vendredi 20 janvier 2012

Tunisie, Egypte, Libye, bientôt la démocratie ?

Depuis le début des législatives, le 28 novembre 2011, l’Egypte écrit une nouvelle page de son histoire.

Tandis que le 3ème et dernier tour a débuté depuis une semaine dans le dernier tiers du pays, les résultats des deux premières phases de l’élection montrent une large domination de la mouvance islamiste. Frères musulmans en tête.

Cette montée islamiste sur fond de violences entre civils et forces armées soulève une interrogation: un an après le soulèvement arabe où en sont les peuples égyptien, tunisien et libyen dans leur transition démocratique?

Des revendications

Retour sur les faits. Sous l’impulsion de la révolte tunisienne, le monde arabe a offert  aux occidentaux l’occasion d’admirer et d’encourager une population capable de se lever d’un seul homme pour revendiquer sa liberté.

Courant 2011, sous les slogans pacifiques des manifestants et les tirs des forces armées, trois pays arabes se sont ainsi vus libérés de leurs dictateurs:

-          Le 14 janvier 2011, la Tunisie a précipité la chute de Zine el-Abidine Ben Ali au terme d’un mois de manifestations pacifiques généralisées dans tout le pays, mettant ainsi fin à 24 années de règne sans partage.

-          L’Egypte, ensuite, s’est soulevée le 25 janvier pour chasser Hosni Moubarak, détenteur du pouvoir depuis 30 ans, le 11 février après 18 jours de contestations.

-          La Libye, enfin, a connu le dénouement le plus sanglant. Suite à des émeutes contre le régime de Mouammar Kadhafi, le 15 février 2011, le pays est plongé dans une guerre civile. Le 17 mars, la résolution 1973 autorisant une intervention militaire internationale est votée par les Nations Unies. La Ligue Arabe ainsi soutenue par la coalition menée par les États-Unis, la France et la Grande Bretagne, passe à l'offensive en bombardant des objectifs militaires libyens. Kadhafi est tué le 20 octobre à Syrte, dernier bastion tenu par ses partisans.

En résumé, trois pays ; un espoir. Celui d’être libre. Et de profiter de la liberté la plus primaire c’est-à-dire avoir accès à l’emploi dans un pays comme la Tunisie par exemple, où 60% des jeunes diplômés sont au chômage. Mais également accéder à l’éducation, à la santé, au logement ou encore avoir la possibilité de s’exprimer librement dans un pays comme la Libye, où il est stipulé dans le Code pénal  que des personnes exerçant, même pacifiquement, leur droit à la liberté d’expression et d’association sont passibles de la peine de mort.

Et après ?

Mais un an après les départs d’Ali, Moubarak et Kadhafi, qu’en est-il ?

En Tunisie, par exemple, il y a des paroles et des actes qui se veulent rassurants.

Moncef Marzouki  et Hamis Jebali, les nouveaux hommes forts assurent publiquement que la coalition entre le parti de gauche et le parti islamiste Ennahda se fera dans le respect des droits de l’Homme.
Un ministère des droits de l’Homme a d’ailleurs été créé et une nouvelle constitution devant assurer de nouveaux principes fondamentaux est prévue d’ici la fin de l’année.

Par ailleurs, la société tunisienne et les nombreux partis politiques osent désormais s’exprimer publiquement et prennent activement part au débat public. Parallèlement, la presse bénéficie d’une plus grande liberté d’expression.

D’autres actes significatifs et positifs, nous l’espérons, ne tarderont pas à suivre.

Mais il y a aussi des faits. Plus sombres.

Le 5 janvier, un tunisien a tenté de s’immoler par le feu dans la région de Gafsa, l’une des plus défavorisées du pays, lors d’une visite des ministres des affaires sociales, de l’emploi et de l’industrie. Ce père de trois enfants âgé de 48 ans appartenait à un groupe de chômeurs qui faisait un sit-in devant le gouvernorat de Gafsa depuis plusieurs jours.

En Egypte, Amnesty International dénonce des violations des droits de l’homme par le pouvoir militaire en place. Ces violations seraient pires par certains aspects que sous le régime de l’ex-président. Dans son rapport, l’association met également en garde contre des restrictions à la liberté d’expression.

En Libye, le Conseil National de la résistance (CNT) rédige actuellement une nouvelle constitution et organise les élections. Celui-ci a placé au centre de ses préoccupations des actions visant à faire avancer le pays telles que la mise en place d'un ministère des infrastructures pour relancer l'économie, ou encore la création d'un ministère de l'hydraulique pour l'acheminement de l'eau.

Mais la situation est bouillonnante. Le rapport de l’ONG anglaise critique les autorités par intérim pour le manque de contrôle exercé sur les brigades armées qui ont participé à la chute de Kadhafi ou pour l'absence de procès de quelque 7 000 personnes détenues dans des centres de fortune tenus par des brigades. Ce contexte fragile fait craindre à Moustapha Abdeljalil, président du CNT, une nouvelle guerre civile.

Quelques progrès visibles donc avec, entre autres, l’avènement d’une plus grande liberté de la presse en Tunisie mais beaucoup d’inquiétudes aussi.
Le scénario iranien de 1978 est encore frais dans les mémoires. Il serait inacceptable de laisser de nouveaux Khomeyni monopoliser les rênes du pays au détriment de la population. La montée islamiste ne doit pas non plus balayer la révolution et imposer une dictature consentie du sacré.

Un vaste chantier

Nous restons donc sur nos gardes même si nous sommes conscients que la transformation des sociétés arabes sera longue. Le processus démocratique est un mécanisme long à se mettre en place car il implique de bousculer les mentalités et de restructurer un ancien système bien rodé. La première chose semble aisée à acquérir dans le contexte actuel : déterminées, les sociétés arabes exigent et attendent un véritable changement de la part du prochain gouvernement. Elles se sont battus une première fois et n’hésiteront pas à rebattre le pavé pour ne pas laisser échapper la révolution de leurs mains.

Mais pour le deuxième point, il faudra s’armer de patience et maintenir intact l’espoir des premiers jours de révolution. Comme le disait le journaliste égyptien Khaled Al Khamissi : « la révolution n’est pas terminée, elle ne fait que commencer ». Aucune lutte ne peut être gagnée avec l’attitude défaitiste du pessimiste.

Nous croyons donc profondément aux changements démocratiques qui peuvent avoir lieu dans ces pays et encourageons les populations yéménite, syrienne et bahreïnienne qui, à l’heure où nous rédigeons ces lignes, payent de leur sang cette lutte pour la liberté.

Pour leur ténacité, leur courage et leur détermination face au régime répressif en place, ils suscitent notre plus grande admiration et notre profond respect. Et forment un beau modèle pour notre jeunesse.

Andréa KPENOU

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